L’Europe a-t-elle un “problème” avec la liberté d’expression ?

Pour “The Economist”, la liberté d’expression est menacée à différents degrés sur le Vieux Continent, ce qui fait le jeu des forces populistes. Tout en critiquant l’administration Trump, l’hebdomadaire libéral britannique appelle à s’inspirer du premier amendement américain.
Un visage dont la bouche, figurée par une fermeture éclair, semble sur le point de se refermer. Le dessin, à la une du magazine britannique The Economist du 17 mai, est accompagné d’un titre qui va lui aussi droit au but : “Le problème de la liberté d’expression en Europe”.
À l’origine de la réflexion de l’hebdomadaire, les propos tenus il y a un peu plus de trois mois par J. D. Vance. Lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, le vice-président des États-Unis s’était lancé dans une leçon de démocratie aux Européens, appelant notamment à la fin des cordons sanitaires autour des partis extrémistes et lançant à son auditoire :
“En Grande-Bretagne et à travers l’Europe, la liberté d’expression, je le crains, est en retrait.”
J. D. Vance avait tenu ce discours quelques jours avant les élections fédérales allemandes, qui ont vu une très forte progression de l’AfD, parti d’extrême droite soutenu ouvertement par le camp de Donald Trump.
Dans l’article qui présente ce nouveau numéro, The Economist prend soin de rappeler que l’administration américaine actuelle “est une ennemie énergique des discours qui lui déplaisent, expulsant des étudiants en raison de leurs opinions politiques, harcelant les médias critiques et intimidant les universités”.
Si cela fait de lui un “hypocrite”, cela n’empêche pas que J. D. Vance pointe du doigt une réalité, note le média libéral : “Les Européens sont de moins en moins libres de dire ce qu’ils pensent.”
The Economist mentionne notamment la Hongrie de Viktor Orban, “pire délinquante de l’Union européenne” avec sa surveillance généralisée, et l’Allemagne, dont la législation punissant les insultes contre les responsables politiques serait trop répressive, et même une “parodie”.
Le magazine n’épargne pas non plus le Royaume-Uni, dont la police restreindrait la liberté d’expression “de manière inquiétante”. Et de citer l’arrestation d’un couple “qui a critiqué l’école primaire de sa fille”.
Pour The Economist, les législations limitant la liberté d’expression, conduisant notamment à la suppression, à la demande des autorités, de certains contenus en ligne, font le jeu des populistes, qui “se nourrissent de l’idée que les gens ne peuvent pas dire ce qu’ils pensent vraiment”. L’hebdomadaire l’assure :
“Lorsque la loi interdit d’offenser, elle incite également les gens à prétendre être offensés.”
“Les sanctions pénales devraient être aussi rares qu’elles le sont en vertu du premier amendement” aux États-Unis, note-t-il.
En conclusion, The Economist appelle les Européens à “revenir aux vieilles idées libérales selon lesquelles un désaccord bruyant vaut mieux qu’un silence forcé”. Et à écouter l’“avertissement” de J. D. Vance.

Grande institution de la presse britannique, The Economist, fondé en 1843 par un chapelier écossais, est la bible de tous ceux qui s’intéressent à l’actualité internationale. Ouvertement libéral, il défend généralement le libre-échange, la mondialisation, l’immigration et le libéralisme culturel. Il est imprimé dans six pays, et 85 % de ses ventes se font à l’extérieur du Royaume-Uni.
Aucun des articles n’est signé : une tradition de longue date que l’hebdomadaire soutient par l’idée que “la personnalité et la voix collective comptent plus que l’identité individuelle des journalistes”.
Sur le site de The Economist, outre les principaux articles du journal, on trouve d’excellents dossiers thématiques et géographiques faits par The Economist Intelligence Unit, ainsi que des contenus multimédias, des blogs et le calendrier des conférences organisées par le journal à travers le monde. En prime : la mise à jour régulière des principaux cours de la Bourse.
La couverture du magazine peut varier selon les éditions (Royaume-Uni, Europe, Amérique du Nord, Asie), mais le contenu est le même ; au Royaume-Uni, cependant, quelques pages supplémentaires traitent de l’actualité nationale.The Economist appartient pour 43,4 % à la famille italienne Agnelli, le reste du capital étant réparti entre de grandes familles britanniques (Cadbury, Rothschild, Schroders…) et des membres de la rédaction.
Courrier International